L’expression « fait comme un rat » évoque une sensation immédiate d’impuissance, de captivité sans échappatoire. On l’entend régulièrement, que ce soit pour exprimer une défaite, une arrestation ou simplement une situation sans issue. Mais d’où vient réellement cette expression, et pourquoi associons-nous le rat à ces circonstances ?
Qu’est-ce que cela signifie vraiment « Être fait comme un rat » ?
D’une manière imagée, être « fait comme un rat » signifie être piégé, sans aucune possibilité de fuite. Dans cette expression, le mot « fait » est une manière argotique de dire « capturé » ou « pris ». Un individu « fait comme un rat » est littéralement dans une situation d’emprisonnement ou de piège, tout comme le rongeur qui se retrouve enfermé dans un espace clos. Par extension, cette expression peut signifier être dupé, interpellé, ou même, dans certains contextes, être neutralisé sans pouvoir réagir.
Des exemples pour illustrer l’expression
Dans plusieurs œuvres littéraires, cette formule est utilisée pour décrire des situations inextricables. Par exemple :
« Pas de chance. Je suis arrêté à un barrage. Repassé, mon petit frère, tu es encore fait comme un rat. » – Alexandre Breffort, Mon taxi et moi, 1952.
Dans cet exemple, le personnage se retrouve bloqué, sans aucune option de sortie. Cette situation d’impuissance est précisément ce que l’expression véhicule, et c’est aussi ce qui lui donne son aspect fort et direct.
L’évolution de l’expression « Être fait comme un rat »
Historiquement, l’image du rat n’a jamais été valorisée dans la culture populaire. Bien au contraire, cet animal, considéré comme nuisible, a longtemps été pourchassé et exterminé. Le rat des champs ravageait les récoltes, et son cousin urbain était vu comme un vecteur de maladies, notamment de la peste au Moyen Âge, qui décima près de 30 à 50 % de la population européenne. Cet épisode tragique a contribué à renforcer la mauvaise réputation des rats, et donc à alimenter des expressions à connotation négative.
L’association entre le rat et la peste
Le rôle du rat dans la propagation de la peste noire en Europe au XIVe siècle a profondément marqué les esprits. Cette épidémie, qui a tué environ 25 millions de personnes en l’espace de six ans, a fait du rat un symbole de mort et de maladie. Dans son Dictionnaire universel de 1690, Antoine Furetière décrit le rat comme « un petit animal nuisible, que certains rangent parmi la vermine ». Depuis lors, l’image du rat est restée associée aux épidémies et aux fléaux.
Pourquoi cette expression utilise-t-elle le terme « rat » ?
Le choix du mot « rat » dans l’expression découle de la mauvaise réputation de cet animal. Dans de nombreuses cultures, le rat est un symbole de malpropreté et de nuisance. Sa capacité à se faufiler dans les endroits les plus improbables pour échapper à ses prédateurs, tout en causant des ravages, en fait un symbole ambigu. Le rat incarne la persévérance, certes, mais surtout la survie dans des conditions difficiles. Cela explique pourquoi le rat est souvent perçu comme un animal que l’on veut capturer pour s’en débarrasser, d’où l’expression « fait comme un rat », qui reflète cette idée de capture sans issue.
Origine historique de l’expression « fait comme un rat »
L’utilisation de cette expression date de plusieurs siècles. Au XVIe siècle, par exemple, une autre formule existait : « gueux comme un rat d’église », qui dépeignait une personne démunie, sans ressources. Par la suite, vers le début du XVIIIe siècle, on retrouve l’expression « pris comme un rat » pour illustrer une situation sans échappatoire.
Première Guerre mondiale : le contexte de la tranchée
Ce n’est qu’à partir de la Première Guerre mondiale que l’expression « fait comme un rat » prend sa forme actuelle. Dans les tranchées, les soldats étaient confrontés quotidiennement aux rats, qui pullulaient autour d’eux dans des conditions insalubres. La proximité forcée avec ces rongeurs, qui semblaient eux-mêmes pris au piège dans ce paysage dévasté, a renforcé cette association symbolique. L’expression « fait comme un rat » apparaît alors pour décrire l’état de siège ressenti par les soldats, coincés dans les tranchées sans possibilité de retrait ou d’échappatoire.
L’usage de l’expression dans la littérature du XXe siècle
L’expression trouve sa place dans de nombreuses œuvres littéraires du XXe siècle, témoignant de son intégration dans le langage courant. Elle est utilisée dans des contextes variés, reflétant des situations d’enfermement ou de piège. Dans Les carnets de l’aspirant Laby, écrit pendant la Première Guerre mondiale, on peut lire : « Ils avancent, en progressant à la grenade. On va être fait comme des rats. » Ce passage met en lumière l’angoisse des soldats, pris au piège dans un espace confiné et sans moyen de fuite.
D’autres expressions relatives au rat
L’association du rat à des expressions négatives est loin d’être unique à « fait comme un rat ». Voici quelques autres exemples d’expressions populaires dans la langue française :
- S’ennuyer comme un rat mort : Utilisée pour exprimer un ennui profond.
- Puer comme un rat mort : Signifie quelque chose qui sent très mauvais.
- Crever comme un rat : Décrit une mort misérable, souvent en solitaire.
Ces expressions partagent un point commun : elles exploitent toutes l’image du rat pour transmettre une idée de dégoût ou de désolation.
Des conseils pour mieux comprendre et utiliser ces expressions
Comprendre l’origine des expressions enrichit notre vocabulaire et nous aide à mieux appréhender les subtilités de la langue. L’expression « fait comme un rat » peut être utilisée dans des situations diverses pour exprimer l’impuissance ou la contrainte. Par exemple, elle peut être employée pour parler de quelqu’un piégé dans une situation administrative sans solution de repli ou pour décrire une personne confrontée à une défaite inévitable.
Quelques conseils pour l’utiliser au quotidien
- Choisissez bien votre contexte : Cette expression a une connotation forte, il vaut donc mieux l’utiliser dans des situations où l’impuissance ou l’incapacité à se sortir d’une situation est claire.
- Privilégiez l’humour ou l’ironie : Dans un contexte informel, « fait comme un rat » peut ajouter une touche d’ironie, surtout si la situation n’est pas dramatique.
Que retenir de l’expression « fait comme un rat » ?
L’expression « fait comme un rat » est un bel exemple de la richesse du français et de l’évolution des expressions au fil des siècles. À travers elle, nous explorons non seulement l’histoire du rat, mais aussi celle de notre propre langage. Elle nous rappelle aussi combien les mots, même les plus quotidiens, peuvent être chargés d’histoire et de signification. Utilisée dans des contextes variés, cette expression reste un excellent moyen d’exprimer la sensation d’impuissance et de captivité.
