L’écureuil gris (Sciurus carolinensis), un rongeur originaire d’Amérique du Nord, est devenu un sujet de préoccupation croissant pour les écologistes européens. Introduit en Europe à la fin du XIXe siècle, il s’est rapidement propagé et représente aujourd’hui une menace pour la biodiversité locale. En particulier, il fait de l’ombre à l’écureuil roux d’Europe, une espèce indigène qui peine à rivaliser avec son cousin plus imposant. Dans cet article, nous allons explorer l’histoire de l’introduction de l’écureuil gris en Europe, ses caractéristiques, les dégâts qu’il cause, et ce que cela signifie pour les écosystèmes français à l’avenir.
Les origines de l’écureuil gris
L’histoire de l’introduction de l’écureuil gris en Europe est intimement liée à une décision prise par un aristocrate britannique au XIXe siècle. Originaire de la côte est de l’Amérique du Nord, l’écureuil gris était à l’origine endémique des régions allant du golfe du Mexique au sud du Canada, notamment le Québec, l’Ontario et le Manitoba. Cependant, en 1876, Lord Herbrand Russell, le duc de Bedford, introduit plusieurs spécimens dans son domaine à Woburn, en Angleterre. Ce qui au départ semblait être une curiosité décorative dans les parcs de ce domaine allait devenir une menace écologique majeure pour l’Europe.
Crédit photo : David Iliff
De là, l’écureuil gris s’est répandu en Écosse, en Irlande et même en Afrique du Sud. Aujourd’hui, il est largement présent en Grande-Bretagne, où il a supplanté l’écureuil roux dans de nombreuses régions. Mais la plus grande source de préoccupation vient du fait que cet animal envahissant est désormais implanté dans le nord de l’Italie, se rapprochant dangereusement des frontières françaises.
Un rongeur aux caractéristiques uniques
L’écureuil gris se distingue par sa taille plus imposante que celle de l’écureuil roux européen. Il mesure entre 23 et 30 cm, sans compter sa longue queue touffue, et pèse en moyenne 500 grammes. Son pelage est principalement gris, avec des nuances allant du gris clair au gris foncé, et son ventre est généralement de couleur plus claire, souvent blanche ou crème. Ses petites oreilles arrondies et dépourvues de pinceaux ainsi que ses grands yeux lui confèrent une apparence adorable pour certains, mais il n’en reste pas moins une menace pour les écosystèmes européens.
L’écureuil gris est facilement reconnaissable à ses pattes avant plus courtes que ses pattes arrière, une adaptation qui lui permet de se déplacer aisément au sol. Bien qu’il soit capable de grimper aux arbres, il n’est pas aussi agile que l’écureuil roux. En dépit de son allure inoffensive, ce rongeur est responsable de nombreux dommages dans les forêts européennes et constitue une menace directe pour les populations locales d’écureuils roux.
Les dégâts causés par l’écureuil gris
L’introduction d’une espèce non indigène dans un écosystème peut avoir des conséquences dramatiques, et l’écureuil gris ne fait pas exception. En tant qu’espèce invasive, il entraîne plusieurs problèmes écologiques et économiques en Europe.
La compétition avec l’écureuil roux
L’impact le plus visible de l’introduction de l’écureuil gris est la diminution de la population d’écureuils roux en Europe. Ce dernier, déjà en déclin dans de nombreuses régions, doit faire face à un concurrent plus gros et plus robuste. En raison de sa plus grande taille, l’écureuil gris est capable d’accumuler plus de réserves alimentaires, lui permettant de mieux survivre aux rigueurs de l’hiver et de se reproduire plus efficacement.
Des études menées au Royaume-Uni ont montré que la présence de l’écureuil gris ralentit la croissance des jeunes écureuils roux et affecte la fécondité des femelles adultes. Cela se traduit par un déclin rapide des populations d’écureuils roux dans les zones où les deux espèces cohabitent. Si cette tendance continue, les écureuils roux pourraient disparaître complètement de certaines régions.
Transmission de maladies
Outre la compétition pour les ressources alimentaires, l’écureuil gris est également porteur de maladies dangereuses pour l’écureuil roux. L’une des plus notables est le parapoxvirus, qui est généralement inoffensif pour l’écureuil gris, mais mortel pour l’écureuil roux. Ce virus se transmet rapidement et a contribué à la disparition de nombreux écureuils roux en Grande-Bretagne.
En plus du parapoxvirus, l’écureuil gris peut également être porteur d’autres parasites et maladies, notamment des acariens, des tiques et des bactéries responsables de diverses infections. Ces maladies peuvent affecter non seulement les écureuils locaux, mais aussi d’autres animaux sauvages et même les humains dans certaines conditions.
Dégradation des habitats
L’écureuil gris a également un impact direct sur l’environnement. En grignotant l’écorce des arbres pour accéder à la sève, il affaiblit ces derniers, les rendant plus vulnérables aux maladies et aux attaques d’insectes. Cela entraîne une dégradation des forêts, en particulier dans les jeunes plantations où les dommages peuvent être considérables. Les arbres endommagés par l’écureuil gris sont plus susceptibles de mourir prématurément, ce qui perturbe la structure des forêts et menace la biodiversité.
En Amérique du Nord, ces dommages sont surtout observés dans les zones urbaines, où l’écureuil gris ronge des câbles électriques et endommage les systèmes d’irrigation, causant des problèmes économiques et pratiques. Cependant, en Europe, c’est surtout dans les forêts que ses impacts écologiques sont les plus visibles.
L’avenir de l’écureuil gris en France
Bien que l’écureuil gris ne soit pas encore présent en grand nombre en France, son arrivée semble inévitable si des mesures de contrôle ne sont pas mises en place. Actuellement, il est bien implanté en Italie, notamment dans les régions de Turin, de Gênes et du Piémont, où sa population ne cesse de croître. Si rien n’est fait pour freiner sa progression, il pourrait traverser les Alpes et coloniser la France dans les décennies à venir.
Que faire face à cette invasion imminente ?
La gestion des espèces envahissantes est un défi complexe qui nécessite une approche coordonnée entre les pays. En Grande-Bretagne, des programmes de piégeage et d’élimination ont été mis en place pour tenter de contrôler la population d’écureuils gris. Cependant, ces efforts sont souvent critiqués par les associations de défense des animaux, ce qui rend difficile la mise en œuvre de ces programmes à grande échelle.
En Italie, les efforts de contrôle ont été moins réussis en raison d’un manque de coordination et de soutien politique. Cela a permis à l’écureuil gris de se propager rapidement dans de nouvelles régions.
Pour la France, il est essentiel de mettre en place des mesures de surveillance et de prévention avant que l’écureuil gris ne devienne une menace majeure. Cela pourrait inclure des programmes de piégeage, l’introduction de prédateurs naturels ou d’autres méthodes pour limiter sa population avant qu’il ne devienne impossible de le contenir.
Sensibilisation et éducation
Un autre aspect important de la gestion des espèces envahissantes est la sensibilisation du public. Beaucoup de gens considèrent l’écureuil gris comme un animal mignon et inoffensif, sans se rendre compte des dégâts qu’il peut causer à l’environnement. Il est donc crucial de sensibiliser la population aux risques liés à l’introduction d’espèces non indigènes et de promouvoir des comportements responsables, comme éviter de relâcher des animaux exotiques dans la nature.
Conclusion
L’écureuil gris, bien que charmant en apparence, est une menace sérieuse pour la biodiversité européenne. En concurrence avec l’écureuil roux pour la nourriture et l’habitat, il contribue au déclin de cette espèce indigène tout en dégradant les forêts et en transmettant des maladies. À mesure qu’il se rapproche de la France, il est crucial de prendre des mesures préventives pour protéger les écosystèmes locaux.
Les efforts conjoints des autorités, des scientifiques et du grand public seront nécessaires pour éviter que l’écureuil gris ne devienne un problème écologique en France. En apprenant de l’expérience d’autres pays comme la Grande-Bretagne et l’Italie, la France a encore l’opportunité d’agir avant qu’il ne soit trop tard.
