Depuis des décennies, l’expression « poulet » pour désigner les policiers fait partie intégrante du langage populaire français. Mais avez-vous déjà pris un instant pour vous demander pourquoi ? Que pourrait bien avoir en commun un officier de police avec un gallinacé de basse-cour ? Ce surnom intriguant et un brin moqueur a une histoire riche en rebondissements que nous vous invitons à découvrir. Plongeons dans l’origine de cette appellation et dans ses répercussions actuelles !
D’où vient l’appellation « poulet » pour les policiers ?
Les racines historiques : un marché de volaille qui change tout
L’histoire commence au 36 quai des Orfèvres, à Paris. En 1791, lors de la Commune de Paris, plusieurs bâtiments publics sont détruits, y compris la préfecture de police de la capitale. Pour permettre aux forces de l’ordre de poursuivre leur travail, le maire de Paris, Jules Ferry, affecte temporairement la police à un nouveau bâtiment situé précisément sur… un ancien marché de volailles ! Ce marché, encore frais dans la mémoire des Parisiens, avait fait de cet endroit un lieu connu pour ses poulets et autres volailles. L’association entre le lieu et ses anciens habitants s’est si fortement ancrée dans l’esprit des Parisiens qu’elle a fini par devenir un surnom courant pour les policiers travaillant au 36 quai des Orfèvres. Et voilà, les « poulets » sont nés !
La diffusion dans le langage courant
Ce sobriquet insolite n’a pas tardé à se propager au-delà des frontières parisiennes, rejoignant d’autres termes familiers comme « flic » et « keuf ». Mais pourquoi l’expression est-elle devenue si populaire ? Dans un pays où l’humour potache et le sarcasme font souvent partie intégrante du quotidien, qualifier la police de « poulet » semblait à la fois amusant et facile à retenir. Le lien avec le marché de volailles et la situation géographique unique de la préfecture a offert une base solide pour perpétuer ce surnom jusqu’à nos jours.
Comment ce surnom est-il perçu par la société ?
Alors que certains trouvent le terme de « poulet » affectueux ou moqueur de manière bienveillante, d’autres y voient une insulte qui pourrait diminuer le respect accordé aux forces de l’ordre. Au-delà du caractère humoristique, il est pertinent de se demander si ce genre d’appellations ne renforce pas certains préjugés.
D’ailleurs, le mot « poulet » pourrait donner une image négative de la police, surtout auprès des jeunes qui peuvent percevoir les policiers de manière dévalorisante. Pour cette raison, certains policiers eux-mêmes n’apprécient guère ce surnom, même si la majorité choisit de l’ignorer ou de le considérer comme une simple curiosité de langage.
Une anecdote révélatrice avec Yvonne de Gaulle
Une anecdote célèbre autour de ce terme se situe dans les années 1960, lorsque l’épouse du général de Gaulle, Yvonne, aurait prononcé la phrase : « J’espère que les poulets n’ont rien eu ! » lors de l’attentat du Petit-Clamart. Contrairement à ce que l’on pourrait croire, elle ne faisait pas référence aux policiers chargés de la sécurité, mais bien aux poulets en gelée se trouvant dans le coffre de leur voiture ! Cette confusion amusante a encore renforcé l’association entre les policiers et les poulets dans l’imaginaire collectif.
Les surnoms des policiers dans d’autres cultures
La France n’est pas la seule à utiliser des surnoms animaliers pour ses forces de l’ordre. En effet, chaque culture a ses propres termes moqueurs ou affectueux pour désigner ses gardiens de la paix.
Aux États-Unis : les « pigs »
Aux États-Unis, le mot « pig » (cochon) est un terme populaire depuis les années 1960 pour désigner la police. Ce terme trouve son origine dans les mouvements de contre-culture des années 1960 et 1970, où les manifestants l’utilisaient pour protester contre l’autorité. Le terme est resté dans l’imaginaire collectif, bien que, de nos jours, son usage puisse être considéré comme offensant.
En Suède : les « gris » (porcs)
En Suède, les policiers sont parfois appelés « gris » (porcs). Bien que cette appellation soit moins courante, elle montre comment différentes cultures peuvent utiliser des animaux perçus de manière similaire pour caractériser les forces de l’ordre.
En Allemagne : les « Bullen » (taureaux)
En Allemagne, les policiers sont souvent surnommés « Bullen », ce qui signifie « taureaux ». Ici, l’image est plutôt valorisante, car elle évoque la force et la détermination. Cette comparaison montre une perception de la police plus imposante et robuste que celle des poulets français !
Autres cultures : des surnoms variés
- En anglais : Les termes « bobbies » et « peelers » sont des expressions britanniques dérivées du nom de Sir Robert Peel, créateur de la police moderne britannique. Ces termes sont utilisés sans connotation péjorative.
- En arabe : Les policiers sont parfois appelés « hnouch », un terme qui signifie serpent dans l’argot marocain, soulignant un côté furtif ou rusé.
- En russe : Le mot « копы » (prononcé kopi) dérive de « cops » en anglais américain et est couramment utilisé pour désigner les policiers sans connotation négative particulière.
Pourquoi les surnoms animaliers pour la police perdurent-ils ?
L’utilisation de noms d’animaux pour désigner la police, en France et ailleurs, semble répondre à un besoin de personnifier les institutions de manière simplifiée et compréhensible pour le grand public. En effet, en attribuant aux policiers des surnoms humoristiques, la société adopte une certaine familiarité avec ceux qui représentent l’autorité, les rendant plus humains ou plus accessibles.
En France, le « poulet » est souvent perçu avec une pointe d’ironie, mais il incarne aussi une sorte de proximité avec les forces de l’ordre. Ce surnom ne manque pas de susciter des discussions et, bien que parfois controversé, il fait partie intégrante de la culture française et de son rapport unique avec les institutions.
Le cas particulier des « bœufs-carottes »
Le terme « bœuf-carottes » est un autre sobriquet attribué aux forces de l’ordre, mais ici, il s’agit d’une division spéciale de la police qui enquête sur ses propres membres. Contrairement aux autres surnoms, « bœuf-carottes » n’est pas moqueur et est spécifiquement utilisé pour désigner l’Inspection Générale de la Police Nationale (IGPN). L’expression vient de l’idée que ces agents « mijotent » leurs enquêtes sur des affaires de police, à l’image d’un plat qui prend du temps à cuire.
L’humour dans la publicité et la réponse des forces de l’ordre
Les marques n’hésitent pas à jouer avec le terme « poulet » pour attirer l’attention, comme l’a démontré la marque de volailles Loué en 2012. Loué a lancé une campagne publicitaire montrant un policier avec un poulet et le slogan : « Depuis 1958, un bon poulet est un poulet libre ». Cette publicité humoristique n’a pas été bien accueillie par les syndicats de police, qui ont dénoncé une atteinte à l’image des forces de l’ordre.
En réponse aux critiques, Loué a toutefois maintenu sa campagne, renforçant l’idée que le lien entre police et poulet, bien qu’ironique, est aujourd’hui bien ancré dans l’imaginaire collectif.