Le spécisme est une idéologie qui repose sur la croyance que l’espèce humaine est supérieure aux autres espèces animales. Ce concept peut sembler éloigné de notre quotidien, mais il est en réalité profondément ancré dans nos comportements, nos choix alimentaires, nos divertissements et même notre consommation de produits. Nous allons explorer en profondeur ce qu’est le spécisme, d’où il vient, pourquoi il est encore très répandu aujourd’hui, et comment nous pouvons réfléchir à notre relation avec les animaux pour un monde plus respectueux de tous les êtres vivants.
Définition du spécisme
Le spécisme provient du terme latin species qui signifie « espèce ». Il désigne une discrimination basée sur l’espèce, similaire à d’autres formes de discrimination comme le racisme ou le sexisme. Les spécistes estiment que la vie humaine est intrinsèquement plus précieuse que celle des autres animaux, et que ces derniers n’existent que pour répondre aux besoins de l’humanité. Par exemple, l’exploitation des animaux dans les élevages intensifs ou pour des expériences scientifiques trouve ses racines dans cette idéologie. Cette vision hiérarchique des espèces conduit à un traitement inégal des animaux, où certains sont chéris comme des compagnons de vie tandis que d’autres sont tués ou maltraités pour des raisons purement utilitaires.
Origines historiques du spécisme
Le spécisme n’est pas un phénomène nouveau. Il s’enracine dans des croyances anciennes, notamment dans la philosophie grecque antique. Aristote, un des penseurs les plus influents de l’histoire, classait déjà les espèces animales selon une hiérarchie, plaçant l’homme au sommet de cette pyramide. Dans son ouvrage Histoire des Animaux, il décrivait les animaux comme étant inférieurs, et cette idée a perduré pendant des siècles, formant les bases de la pensée spéciste moderne.
Cependant, c’est dans les années 1970 que le terme « spécisme » a été réellement défini par le psychologue britannique Richard D. Ryder. Ce dernier a introduit ce concept dans un tract dénonçant l’expérimentation animale, comparant la discrimination basée sur l’espèce à d’autres formes de discrimination. Ce mouvement a pris de l’ampleur avec la publication de l’ouvrage Animal Liberation par le philosophe australien Peter Singer, qui a popularisé la lutte contre le spécisme en la comparant à la lutte contre le racisme ou le sexisme. Selon Singer, il n’y a pas de justification morale pour traiter les animaux comme inférieurs simplement parce qu’ils appartiennent à une autre espèce.
Pourquoi le spécisme est-il encore si présent ?
Malgré les avancées philosophiques et scientifiques qui reconnaissent la sensibilité des animaux, le spécisme demeure très répandu dans nos sociétés. Plusieurs raisons expliquent cette persistance. D’un point de vue religieux, certaines croyances continuent d’affirmer que les animaux ont été créés pour servir l’homme. Par exemple, dans la tradition chrétienne, on retrouve souvent l’idée que les humains ont été faits à l’image de Dieu, et que les animaux sont des créatures destinées à leur usage.
D’un point de vue anthropocentrique, c’est-à-dire centré sur l’humain, on argumente souvent que seuls les humains possèdent des capacités cognitives complexes comme la raison, la conscience de soi ou encore la morale. Cette vision de l’homme en tant qu’être supérieur justifie alors, aux yeux de certains, le droit d’exploiter les animaux. Cependant, cette approche est remise en question par de nombreuses études scientifiques qui démontrent que plusieurs espèces animales possèdent une forme d’intelligence, de vie sociale et même de capacités émotionnelles proches de celles des humains.
Le paradoxe des animaux de compagnie
Un des paradoxes les plus flagrants du spécisme est la différence de traitement entre les animaux de compagnie et les animaux d’élevage. Nous voyons souvent nos chiens et nos chats comme des membres de la famille, les aimons, les soignons, et veillons à leur bien-être. Pourtant, dans le même temps, nous consommons de la viande issue d’animaux élevés dans des conditions souvent terribles, simplement parce qu’ils appartiennent à une autre espèce. Ce phénomène met en lumière l’hypocrisie du spécisme : nous accordons de la valeur à certaines vies animales tout en ignorant la souffrance d’autres, qui ne sont pas moins sensibles ou dignes de considération.
Cette distinction est également influencée par des facteurs culturels et géographiques. Par exemple, dans certaines parties du monde, manger du chien ou du chat est courant, tandis qu’en Occident, cette idée nous choque profondément. Ces variations dans la perception des animaux montrent à quel point nos attitudes sont façonnées par la culture, et non par une quelconque réalité morale objective.
L’apport de l’éthologie à la question spéciste
L’éthologie, qui est l’étude du comportement animal, a profondément modifié notre perception des animaux. Elle nous a appris que de nombreux animaux possèdent des capacités émotionnelles et cognitives avancées. Par exemple, les éléphants font preuve d’empathie, les dauphins peuvent se reconnaître dans un miroir, et les corbeaux résolvent des problèmes complexes. Cette reconnaissance des capacités animales a conduit à une remise en question du spécisme. En effet, si les animaux sont capables de souffrir, d’éprouver des émotions et d’avoir des interactions sociales sophistiquées, pourquoi les traiterions-nous comme de simples ressources ?
Certains défenseurs du spécisme avancent l’idée que seuls les humains peuvent avoir des droits en raison de leur capacité à formuler des jugements moraux ou à vivre en société selon des règles complexes. Cependant, cette approche est mise à mal par l’éthologie, qui montre que la frontière entre l’homme et l’animal est plus floue qu’on ne le pense.
Le principe de l’égalité animale
Reconnaître la sensibilité des animaux amène à questionner le principe d’égalité. Pourquoi la souffrance d’un animal devrait-elle être ignorée simplement parce qu’il appartient à une autre espèce ? Selon le principe d’égalité animale, toutes les espèces, du chien au lapin en passant par l’oiseau ou le poisson, devraient être considérées sur un pied d’égalité en ce qui concerne leur droit à ne pas souffrir. Cela ne signifie pas que tous les animaux devraient avoir les mêmes droits que les humains, mais plutôt que leurs intérêts devraient être pris en compte. Par exemple, un chien n’a pas besoin de pouvoir voter, mais il mérite le droit de vivre sans être maltraité ou exploité.
Comment lutter contre le spécisme au quotidien ?
Il existe plusieurs manières de combattre le spécisme dans notre vie quotidienne, et beaucoup passent par des choix de consommation éclairés. Voici quelques domaines où le spécisme est particulièrement présent, et où nous pouvons faire une différence :
L’alimentation
L’industrie alimentaire est sans doute l’endroit où le spécisme cause le plus de souffrances. Chaque année, des milliards d’animaux sont élevés et abattus pour produire de la viande, des œufs et du lait. Adopter un régime végétarien ou végétalien est une manière directe de réduire cette exploitation. En diminuant ou en éliminant notre consommation de produits d’origine animale, nous diminuons la demande et, par conséquent, le nombre d’animaux exploités. De plus, de nombreuses alternatives végétales permettent aujourd’hui de manger de manière variée et équilibrée sans contribuer à la souffrance animale.
Les loisirs
Le spécisme est également présent dans l’industrie du divertissement. Des pratiques telles que les corridas, les cirques avec des animaux sauvages, ou encore les zoos et les parcs aquatiques exploitent les animaux pour divertir le public. Ces pratiques reposent sur l’idée que les animaux sont là pour nous amuser, sans prendre en compte leur bien-être. Boycotter ces formes de divertissement et sensibiliser à leur impact négatif sur les animaux est une autre manière de lutter contre le spécisme.
La mode et les produits de consommation
La mode est un autre secteur où le spécisme est omniprésent. De nombreuses marques continuent d’utiliser de la fourrure, du cuir ou de la laine, malgré les alternatives éthiques qui existent aujourd’hui. De même, de nombreux produits cosmétiques sont encore testés sur les animaux. En choisissant des vêtements et des produits qui respectent les animaux, nous pouvons contribuer à diminuer la demande pour ces pratiques cruelles.
Conclusion
Le spécisme est une idéologie profondément ancrée dans nos sociétés, mais cela ne signifie pas que nous ne pouvons pas la remettre en question. En prenant conscience de la souffrance animale et en faisant des choix plus éthiques dans notre vie quotidienne, nous pouvons contribuer à un monde où tous les êtres vivants, quelle que soit leur espèce, sont respectés et protégés. La lutte contre le spécisme est avant tout une question de justice et de compassion, et chacun d’entre nous a le pouvoir de faire la différence.